A la mémoire d'Annie...
En 2017, une dame prénommée Annie, devenait membre de mon groupe de tortues. Elle nous présentait son cheptel d’où se démarquait une tortue Pardalis du nom de Flaubert.
Annie faisait beaucoup de post sur le groupe et souvent c’était Flaubert, tortue handicapée, qui sur ses vidéos se trainait, paralysée de l’arrière train. Et, on pouvait entendre les raclements de sa supracaudale et de son plastron griffer le sol. Des photos montraient cette tortue équipée d’une sonde pour se nourrir et administrer des médicaments. Au travers de ses publications, Annie cherchait en fait du soutien, car elle était très malheureuse voir son animal ainsi.
Je n’intervenais pas trop, car étant trop touchée je ne savais quoi commenter, à part : Courage Annie ! Ou Pauvre Flaubert !
En 2018, j’ai une demande de message privé (MP) de la part du Docteur Breuil, qui me demande ce qu’il se passe avec l’une de mes petites tortues aquatiques, mais je coupe court à notre conversation et je lui demande de s’occuper de Flaubert, qui était cette fois ci, en train de mourir à petit feu, ce n’était plus qu’une question de temps. Le vétérinaire accepte de voir ce qu’il en retourne.
Je contacte donc Annie pour la première fois en message privé et lui explique que le docteur Breuil veut bien voir son dossier médical.
Je suis recontactée le lendemain par le vétérinaire qui, après avoir consulter le dossier médical de Flaubert, me dit qu’il peut l’opérer, mais que c’était une intervention très risquée pour Flaubert. Le vétérinaire Ronot qui était en charge de Flaubert était, lui aussi, partant pour l’opérer s’il est assisté et guidé par le Docteur Breuil : une chirurgie à 4 mains. Breuil m’avait bien fait comprendre, que l’animal pouvait mourir au bloc, mais sans opération Flaubert était de toutes les façons condamnée.
Les conditions d’intervention étaient exceptionnelles et cette opération était inédite en France. Il fallait trouver une autre Pardalis, peu importe le sexe et de plus de 5 kilos, qui sera donneuse de sang pour Flaubert lors de l’opération. Le soir même nous lancions une recherche sur le groupe pour une Pardalis. Et une personne vivant pas très loin de chez Annie se propose de prêter sa Pardalis, afin qu’elle soit l’élément indispensable pour sauver Flaubert.
Je prends peur et stresse que la donneuse de sang tombe malade avant le Jour J, et je demande donc à cette généreuse personne si elle pouvait fournir une deuxième Pardalis, afin de fournir du sang pour l’opération de Flaubert. La réponse a été immédiate : oui !
Je recontacte le véto et hurle de joie en MP, ON A LES DONNEUSES DE SANG !
J’ai aussitôt mis en ligne une cagnotte Leetchi, car l’opération était très coûteuse. Il fallait payer aussi le déplacement du docteur Breuil qui venait de Nancy.
Une solidarité s’est mis en place, et des gens formidables participent à la cagnotte qui a pour nom : « Il faut sauver Flaubert ».
Je me souviens avoir ri quand Annie, petit bout de femme toute frêle est allée chercher les donneuses de sang, les charger dans sa voiture où il y avait déjà Flaubert. Elle me disait qu’elle était crevée de porter 3 Pardalis de plus de 6 kilos. J’ai ri encore et encore car je l’imaginais.
Le jour de l’opération, j’appelle Annie au téléphone pour savoir comment elle allait, et là je doute, je me dois de préparer Annie a un éventuel décès de Flaubert lors de l’intervention chirurgicale. Je crois que c’est à ce moment-là, au téléphone, que j’ai pris conscience de l’énormité de cette histoire et que j’allais peut-être moi, être celle qui « a tué » Flaubert. Et c’est alors Annie, qui m’a rassuré, ça devenait le monde à l’envers.
Je contacte aussi Gregory Breuil et lui explique mes doutes, car si Flaubert meurt ce sera de ma faute et il me rassure encore en me disant que de toute façon, si elle n’est pas opérée, elle va mourir. Je pleurs car je me dis que si elle meurt et que ça sera moi qui aurais pressé la détente…
Après de longues heures d’angoisse, le verdict tombe enfin : l’opération est réussie ! Quelle joie, j’étais euphorique, je sautais dans tous les sens, en hurlant : « Bravo ma Flaubert ! Ouaiiii» « Ma Flaubert est en vie ! ».
De cette histoire, il est né une amitié entre Annie et moi. On s’appelait 2 fois par semaine, je la considérais comme une seconde maman. Je lui racontais tout.
Mais cette histoire a viré au cauchemar quand Annie a apprit son cancer et qu’elle est tombée malade. Elle ne voulait pas au début me le dire et pendant plus de 2 ans je lui tenais la main à distance. Sa plus grande peur était ses tortues, et Flaubert qu’allait elle devenir ?
Je lui ai fait ce jour là, la promesse que je m’occuperai de ses tortues. Une semaine avant son décès, j’ai pleuré au téléphone en lui disant que je l’aime et que je ne veux pas qu’elle s’en aille, et a chaque fois, elle me disait : « Manue, promet moi pour mes tortues ! ».
Annie s’est éteinte cette année (2020), un lundi, sa fille m’a appelée le soir pour m’annoncer son décès. Je suis partie le vendredi de Paris avec Romain, notre ami à toutes les 2 pour récupérer ses tortues à Nîmes, et surtout ma Flaubert.
Flaubert va très bien et vie a 1 heure de chez moi, elle est le symbole d’une passion, mais aussi d’un profond amour que l’on se portait Annie et moi. Je n’avais jamais vu Flaubert avant le jour, où je suis allée la récupérer. Imaginez l’émotion que j’ai eu en la voyant…
Je disais souvent à Annie : « quand je te vois, je vois Flaubert », mais ce jour là ça été : « quand j’ai vu Flaubert, je voyais mon Annie ».
Je t’aimerai toujours Mama.
- Opération 4 Avril 2018 -
- Publication du "compte rendu" sur la page Facebook du Centre Hospitalier Vétérinaire -
- Cagnotte LEETCHI-
- Quand Annie a récupéré Flaubert au Centre hospitalier Languedocia -
- Flaubert, quelques mois après son opération, dans le jardin d'Annie -- Avec Romain, un été chez Annie -
- Avec Nicolas en 2019 -
- Une tortue en fleurs pour ses obsèques, offerte par les gens et moi même du groupe de tortues que j'administrai, mais aussi par des gens extérieurs -
- Flaubert qui est chargée dans une caisse prête à partir pour Paris -- Annie rêvait de voir Venise. Pour immortaliser ce moment, je me suis déguisée en gondolier -
- Sur le chemin du retour, direction Paris. Nous nous étions arrêtés sur la route pour dégourdir les papattes des tortues -
- Mon "héritage" de la part d'Annie.
Piana (femelle Hermanni hermanni de souche Corse) -- Photos de Flaubert, le 23 Juillet 2020 -- Flaubert, retrouve des "copines", le 25 Août 2020 -
- Photos de Flaubert, le 26 Octobre 2020 -- Photos de Flaubert, le 19 Février 2021 -
- Contrat que j'ai signé avec Flaubert, en m'engageant de veiller sur elle -
"Quand je voyais Annie, je voyais Flaubert"
"Quand je vois maintenant Flaubert, je vois Annie"